Loi de santé publique : peut-on politiquement décréter les changements ? Jean-Pierre Barbier
Palais Bourbon – Salle Colbert – 20 Novembre 2014
Bonjour à toutes et à tous. Tout d’abord, toutes mes excuses de ne pas être présent cet après-midi avec vous pour ce colloque. Je le regrette, en tant que député, bien sûr, mais aussi en tant que pharmacien. Je suis très investi sur ces questions de santé publique et j’aurais aimé partager ces quelques instants.
Dans le texte de loi qui nous est présenté, il y a des points intéressants et d’autres qui méritent d’être discutés. Les trois axes qui ont été retenus, à savoir la prévention, l’accès aux soins et l’innovation, ne souffrent pas de discussion et me paraissent incontournables, surtout le volet prévention.
Cela étant, il me semble qu’il manque un axe à cette loi, qui aurait pu concerner la santé mentale dans notre pays, parce que c’est quelque chose qui concerne un Français sur cinq.
Si on va un peu plus loin dans la présentation du texte, on s’aperçoit que les objectifs présentés à l’intérieur de ces axes sont très nombreux, cela fait un peu catalogue ou loi fourre-tout. Pourquoi dis-je cela ? Reprenons, par exemple, l’axe de la prévention. Là, une mesure phare, qui je crois n’est contestée par personne parce qu’elle apportera un plus dans le parcours de soins : c’est la nomination d’un médecin traitant pour les enfants entre 0 et 16 ans. Ceci participe effectivement à l’amélioration de la prévention chez la population jeune.
Par contre, pour les autres actions de prévention, des questions demeurent. Sur l’alcoolisme, ce que j’en ai lu pour le moment me paraît être très répressif. Je n’ai pas complètement cerné le côté éducatif, et je le regrette. Je ne crois pas que la répression et la sanction soient la réponse à apporter à l’alcoolisme, même si cela peut participer au dispositif.
Par ailleurs, on ne parle pas de toutes les professions de santé. À titre d’exemple, la profession de pédicure podologue, qui intervient sur le pied diabétique, est complètement oubliée dans ce texte. Pourtant, sur le pied diabétique, il y aurait aussi des actions de prévention à faire que le pédicure-podologue serait tout à fait à même de mettre en œuvre.
Je regrette que, pour le tabagisme, on s’en remette au vote d’amendement par le Parlement, on risque de perdre ainsi de vue l’objectif : réduire la consommation de tabac dans notre pays.
Sur la drogue, le côté éducatif ne m’est pas apparu. L’introduction et la mise en place de salles de shoot me paraissent répondre plus à une demande idéologique qu’à une action réelle de prévention qui fasse en sorte que les gens, justement, ne se droguent pas.
Enfin, dans la prévention contraceptive, on veut permettre aux jeunes filles, sous couvert d’anonymat et de gratuité, de bénéficier de la contraception. Mais là, une nouvelle fois, je ne vois pas où est le rôle éducatif, où est la responsabilité médicale, car tout ceci serait transféré aux infirmières scolaires. Il me semble que la tâche va être lourde et la responsabilité également.
Sur ces points de prévention, se pose aussi la question du financement. Dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale en 2015, une enveloppe de cent millions d’euros, qui était allouée aux chirurgiens-dentistes pour faire de la prévention, a été supprimée. Est-ce que la loi peut changer les habitudes ? Je ne le crois pas, en tout cas pas celles-ci. Si on veut qu’une loi puisse changer les habitudes, il faut qu’elle ait des objectifs clairement définis, qu’aucun domaine ne soit oublié, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Il faut que, dans ces axes déterminés et clairs, les sous-objectifs ne soient pas trop nombreux, parce que sinon on va se disperser et on ne verra plus la stratégie. Enfin, pour qu’une loi soit suivie d’effets, il faut que l’on puisse y mettre quelques financements. Où sont-ils dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ? C’est pourquoi je pense que ce projet de loi santé, qui a été vendu comme l’alpha et l’oméga de la santé publique dans notre pays, accouche d’une souris. Je ne suis pas convaincu que la souris soit réellement en très bonne santé. Je crois que c’est un texte qui de toute façon devra être évolutif et devrait être revu chaque année, comme l’ont été les diverses mesures d’ordre social et sanitaire que le Parlement votait chaque année.
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